POURQUOI LE QUARTIER BEAUBRUN ?
La recherche-action sur l’activation des rez-de-chaussée a été d’emblée pensée comme un espace de circulation et de mise en lien entre quartiers. Après avoir eu l’occasion, via les financements de l’EPASE, de nous implanter dans le quartier Jacquard, nous souhaitions réaliser un croisement avec le quartier Beaubrun, pour essaimer et rejouer la méthodologie et les modes d’actions du projet. Cette nouvelle étape de travail permettait de poser la question de la diversité ethnique dans ce quartier que tout le monde nomme “arabe” et où se situe le poumon commercial des communautés maghrébines et arabes.
Sainté Itinéraires Croisés souhaite notamment mettre en valeur la diversité culturelle dans le contexte de transformation urbaine de ce quartier en secteur politique de la ville. Le quartier Tarentaize-Beaubrun-Couriot dit “TBC” (périmètre Politique de la Ville), populaire et cosmopolite, est au coeur des préoccupations urbaines et sociales de la ville de Saint-Étienne. Alors, comment mettre en perspective les enjeux urbains et culturels pour construire intelligemment le futur d’un quartier ?

ENTRE PASSÉ, PRÉSENT ET DEVENIR
Saint-Étienne se trouve dans une situation paradoxale avec une périphérie dynamique et riche et un centre-ville paupérisé. C’est le cas du quartier Beaubrun. Marquant l’entrée Ouest de la ville et situé à proximité du centre-ville, il souffre d’une image négative du faite de la présence d’un habitat ancien et dégradé et d’une population stigmatisée.
Ce quartier longtemps marginalisé, a écrit son histoire avec une majorité de travailleurs immigrés (espagnols, italiens, polonais, puis plus tard maghrébins) venus soutenir l’essor industriel. Le quartier s’est développé autour des forges, non loin des puits d’extraction de charbon. L’habitat était composé de maisons, simples et petites, construites en grès houiller extrait des carrières limitrophes : une grande partie de l’habitat était insalubre. Le quartier connaîtra alors plusieurs opérations de transformation.
Il reçoit un programme important de logements sociaux dans les années 70, ainsi que l’implantation d’équipements tel que la Médiathèque de Tarentaize dans les années 90.
À cette même période, il fut intégré dans un périmètre Zone Urbaine sensible (ZUS) et assimilé à la convention GPV en 2001. Il en suivra la convention ANRU en 2005. Malgré une image contreversée, le quartier Beaubrun connait une forte activité commerciale avec une offre spécifique : des commerces de proximité orientaux et de nombreux cafés, ouverts tous les jours de la semaine.
Ce dynamisme risque d’être mis à mal par le départ annoncé de structures d’envergure comme l’École de la Comédie qui mute vers le quartier Créatif au nord de la ville, ou encore la CAF, structure drainant un flux important d’individus durant la semaine.
Beaubrun, un quartier à part entière de l’ilôt Tarentaize-Beaubrun-Courriot est classé quartier prioritaire par les Politiques de la Ville. Il va faire l’objet d’un vaste projet de rénovation urbaine avec l’ANRU à partir de 2016 et la signature d’un nouveau Contrat de Ville. Ce dernier implique 3 piliers majeurs : la cohésion sociale, la cadre de vie et le renouvellement urbain et enfin le pilier emploi et développement économique.

VERS UN RENOUVEAU SENSIBLE ET PARTAGÉ
Les enjeux urbains et sociaux du quartier sont donc multiples, et pour CARTON PLEIN, il est indispensable de s’attacher aux habitants, commerçants, structures culturelles et sociales du quartier pour penser et imaginer un avenir durable. L’expérience quotidienne développe des compétences et des savoirs certains, une expertise fine de compréhension du territoire. Pour nous, il est essentiel de la solliciter pour participer à l’amélioration de l’espace commun et pour ensuite mettre en place un cadre d’action cohérent, fertile et durable. La ville s’est construite par vagues successives d’immigration et elle doit se renouveler avec sa diversité culturelle. Nous cherchons à imaginer un renouveau sensible, à l’écoute des besoins communs.
Il est important de rappeler ici, que nous sommes partis dans ce projet sans commande municipale. La Bourse nationale à l’expérimentation nous a donc permis de prolonger Sainté Itinéraires Croisés sur ce secteur. Nous souhaitions poursuivre notre réflexion sur la vacance commerciale très présente là aussi dans deux rues en particulier (Rue de la Ville et Rue Beaubrun).

LA QUESTION DES REZ-DE-CHAUSSÉE POUR PARLER D’UN PROJET PLUS GLOBAL
Nous avions deux objectifs : créer du mouvement dans le quartier, pour insuffler un débat autour des rez-de-chaussée vacants et des possibles modes d’activation, mais aussi questionner la mise en place du prochain contrat de ville en interrogeant la participation citoyenne dans le quartier. Nous avons voulu en toute modestie, apporter des indices, des propositions, aux responsables de la politique de la ville du quartier, pour nourrir ses méthodologies et ses cadres d’actions. En parallèle, nous voulions aussi créer des liens entre les structures du quartier qui peuvent aussi être moteur dans la transformation du cadre de vie et de l’ambiance des rues. Il nous semble que les transformations d’envergure qui vont avoir lieu peuvent être partagées et tester au coeur même de la vie collective d’un quartier afin de lui offrir un chemin durable et cohérent.

ET LES REZ-DE-CHAUSSÉE ICI ?
Dans une rue d’environ 500 mètres de longueur, plus d’une cinquantaine de locaux commerciaux se cotoient ! On observe des rideaux baissés, de nombreuses vitrines demandant à être soignées...tout cela entremêlé aux boutiques en activité, dynamiques de par leur vitalité (commerçant, clients) mais qui restent tout de même en questionnement quant au futur du quartier. C’est la vitalité commerciale sur quoi l’on voulait également se pencher, sur ces commerçants qui font vivre, tous les jours de la semaine la rue Beaubrun et ses connexions. Quelle réflexion peut-on construire collaborativement sur le devenir de la rue par les rez-de-chaussée vacants ? Quelles activités imaginer ? y’a t’il de nouvelles activités à imaginer ?

LE NOUVEAU CONTRAT DE VILLE
La Ville de Saint-Étienne, doit mettre en place une Maison des Projets au coeur des quartiers Tarentaize-Beaubrun-Couriot, comme un pôle de communication et de médiation du projet urbain en cours et à venir, ainsi qu’un Conseil Citoyen comme instance représentative des habitants. C’est également en cela que les compétences de CARTON PLEIN ont été mises en oeuvre durant ce mois d’immersion afin de creuser les premières pistes pour tenter de dessiner des rouages à la mise en place de ces deux instances.
Ainsi les habitants du quartier Tarentaize Beaubrun, vont voir apparaître de grands changements au coeur de leur quartier. En parallèle des ré-aménagements urbains (rénovation, démolition etc.) de grands équipements structurels vont déménager vers d’autres quartiers de Saint-Étienne, entraînant un changement évident sur la mobilité des habitants extérieurs au quartier vers celui-ci et bouleversant ainsi les flux habituels entre Beaubrun et le reste de la ville. Pour les commerçants c’est la peur d’une baisse de clientèle qui se fait ressentir, pour les habitants c’est une fermeture du quartier sur lui-même et une montée de la stigmatisation encore plus forte qu’aujourd’hui.
Alors comment essayer de travailler à une meilleure cohésion au sein même du quartier ? Comment mettre en valeur les connexions à établir avec les quartiers voisins ? La question des rez-de-chaussée vacants ne pourrait-elle pas être un bout de réponse à la construction d’un parcours qui relie le quartier aux autres ? Comment favoriser la mixité sociale et culturelle ? Tant de questions nous animent. À ce stade du projet, (amorce d’une réflexion, temps court de projet) il semblait clair que nous devions faire des choix et de ne pas déployer de trop grands objectifs.
Et si nous essayions de comprendre les enjeux d’un quartier, non pas seulement avec les études urbaines proposés mais en s’appuyant sur l’expression des habitants et des commerçants qui y vivent ? Comment imaginer avec eux, de futurs changements dans le quartier en s’appuyant sur des envies simples et concrètes pour insuffler des méthodes et levier d’action à un projet urbain d’envergure ?

B.E.A.U.Brun continue en embarquant de nombreux autres acteurs du territoire... Suite au prochain épisode