En novembre 2010, sous l’impulsion de l’EPASE, le site des Cartonnages Stéphanois devient un espace public temporaire. Ce nouvel espace municipal de 2000m2 est le premier terrain de jeu et d’aventure collective de Carton Plein. Un lieu propice à imaginer de nouvelles manières de faire la ville avec des interventions ancrées, éphémères, mobiles, régulières et événementielles. Créer, se rassembler, échanger, tester, jouer, jardiner, construire, s’amuser, associer étudiants, usagers, voisins… autant de perspectives stimulantes pour un espace public vivant !
Tout commence par une sollicitation de l’EPASE qui souhaitait un accompagnement à la réflexion pour le devenir du site de la Cartonnerie. Démoli en 2002, le site des anciens Cartonnages Stéphanois participera à termes à la requalification du quartier Jacquard, sera intégré à une promenade qui s’étendra le long des arches du viaduc. Situé à l’articulation entre différentes dimensions urbaines et échelles géographiques (celle du quartier, de la ville, de l’agglomération), cet espace s’avère stratégique pour engendrer des croisements. En attendant l’acquisition de l’ensemble du foncier dont la programmation mixera habitat, espace public, entreprises, l’EPASE souhaite créer « un espace public provisoire(…), accueillant des usages de proximité pour le quartier (square, bancs, jeux pour enfants, etc) ainsi que l’exposition des futures réalisations du projet Jacquard. Le site accueillera également des installations ou activités éphémères, offrant un paysage toujours changeant. »
Nous avons ainsi proposé d’utiliser le caractère provisoire du site pour expérimenter et en faire un laboratoire d’usages. Étape par étape, le projet se saisit des opportunités de la ville, des porteurs de projet motivés dont la démarche rejoint celle de Carton Plein. Ce sont aussi les habitants et les usagers du site qui participent à sa réinvention. L’association met en place des dispositifs (jardin partagé, chantiers créatifs, événements…) pour inciter les citoyens à se mobiliser dans la fabrication de leur cadre de vie. Il s’agit d’un espace en chantier permanent qui ne fige rien et tente d’ouvrir à chaque étape de nouvelles perspectives.
En 2016, l’EPASE nous confie au côté du bureau d’études Territoires urbains une étude-action « Le Réveil du viaduc », visant à trouver comment redonner vie au secteur en s’appuyant sur les ressources locales et en usant d’ingéniosité pour trouver des formes de transformations frugales et innovantes. Le projet d’aménagement piétinera pour des questions politiques.
Nous écrivons un livre avec le soutien du PUCA, tournons un film documentaire (le réveil du viaduc), dans l’idée de mieux comprendre cette expérimentation et en garder des traces. La conception de l’espace public – qui comprend autant l’aboutissement (c’est-à-dire l’espace physique produit) que la manière dont on l’a produit – questionne la fabrique du commun, les principes démocratiques et le partage du sensible tel qu’a pu le décrire Jacques Rancière1. C’est un endroit de construction du politique. À notre sens, les processus classiques méritent d’être réinventés. La prise en compte des compétences des habitant·es et des usager·es, l’ouverture des chantiers au public, les approches transdisciplinaires et créatives, sont les ferments d’espaces publics hospitaliers, égalitaires, et stimulants. De même, l’agir in situ permet de révéler les territoires dans leur diversité culturelle, sociale et patrimoniale. L’esprit des lieux, la compréhension de l’histoire, la confrontation des mémoires, sont autant d’éléments pour créer des villes vivantes et singulières. Ce travail réflexif nous permet aussi de mieux positionner l’humour, le jeu et la mise en scène comme de véritables outils de médiation et de transformation urbaine. Facilement perçus comme superflus, ces modes d’actions font sens et remettent en jeu le territoire et ses acteurs, ouvrant des prises pour une recréation du monde.